HouseTrip ou la start-up à un milliard !

11.12.2013

Il y a quatre ans, Arnaud Bertrand et sa femme, diplômés tous deux de l’Ecole Hôtelière de Lausanne, ont créé HouseTrip, après avoir constaté que les réservations de biens immobiliers pour de courtes durées étaient extrêmement complexes à réaliser. Seulement quatre ans après sa création et son passage chez venturelab et venture kick, HouseTrip emploie plus de 200 personnes et suscite l’intérêt de nombreux investisseurs et sociétés.

COM264_0961.jpg
Arnaud Bertrand et sa femme, Junjun Chen.

Interview de Mathias Morgenthaler
traduite en français

Monsieur Bertrand, quatre ans après avoir créé HouseTrip à Lausanne, avez-vous tenu les objectifs mentionnés dans votre business plan de départ ?
Non, bien sûr que non. Le premier plan d'affaires que nous avons développé avec ma femme en 2007, alors que nous étions encore aux études à l’Ecole Hôtelière de Lausanne, était trop optimiste sur le développement technologique de la plateforme, mais bien plus pessimiste à propos de la projection des revenus. Ceux-ci sont dix fois plus élevés que ce nous avions espéré à l’époque.  

Vous a-t-on facilement ouvert les portes dès le début ?
Pas du tout. Tout d'abord, nous n'avions aucune idée d’entreprise précise, mais plutôt un problème. Ma femme Junjun Chen et moi avions prévu un voyage à Edimbourg et nous ne voulions pas séjourner dans un hôtel. Nous souhaitions louer un appartement pour quelques jours, mais cela s’est révélé bien compliqué. Nous avons dû lire des dizaines de petites annonces et chacune avait des modalités de paiement différentes à négocier avec chaque propriétaire. C’est à ce moment-là que nous nous sommes dit : « Si cela n’existe pas encore, il faut le lancer ! »

Un grand projet pour deux étudiants inexpérimentés.
Nous venons tous deux de familles d’entrepreneurs. Les parents de Junjun travaillent dans la fabrication de textiles et mes parents vendent de l’art par catalogue. Le siège de l’entreprise était notre maison , donc j’ai grandi dedans et ai pris l’attitude entrepreneuriale dès mon plus jeune âge. Au départ, je souhaitais diriger un hôtel après mes études, mais l’industrie hôtelière est extrêmement lente et riche en traditions. Le même travail qu’il y a 50 ans avec les mêmes codes vestimentaires. Je préfère travailler sans cravate et mal rasé.

Comment avez-vous débuté ?
Nous avions 1'200 francs sur nos comptes, une bien petite somme pour développer une plateforme de réservation en ligne. Ma femme était sceptique au début, mais j’étais extrêmement enthousiaste. Imaginez que vous croisez la plus belle femme au monde et que par le plus grand des hasards, elle est célibataire. Vous tentez votre chance, n’est-ce pas ? Je ne l’ai pas expliqué de cette manière-là à ma femme (rires), mais j’ai dit : « Nous n’avons rien à perdre, nous n’avons pas d’argent, pas de maison, pas de famille, ni même un emploi, alors quel est le risque ? Le seul danger est que cela ne fonctionne pas ! » Quand elle a compris que je n’allais pas abandonner l’idée, ma femme s’est aussi lancée entièrement dans le projet.
 
Comment avez-vous pu construire une société sans argent ou presque ?
Au début, il était très difficile de trouver des investisseurs. Les entrepreneurs sont souvent confrontés à ce problème. Les investisseurs écoutent avec intérêt vos propos puis disent : « Si c’était une si bonne idée, comme tu essaies de nous le faire croire. D’autres l’ont sûrement fait avant. »

Effectivement, vous n’étiez pas le premier. La plateforme américaine Airbnb a été mise en ligne en 2008.
J'ai lu un article sur Airbnb en juillet 2009 pour la première fois, dans le train sur le chemin du retour de Saint-Gall. Ce fut un choc ! Mais cela nous a peut-être aidé pour la collecte de fonds. Nous avons reçu en 2009 pour la création de l’entreprise 230'000 francs d’amis et de business angels. L’année suivante, 2,5 millions d’Index Ventures, en 2012, c’est 17 millions que nous avons pu récolter et cette année, 40 millions.

Avez-vous eu des doutes lors de votre lancement ?
Oui, nous avons eu beaucoup de doutes en permanence. Si vous créez aussi vite une entreprise, alors c'est toujours un peu comme si vous étiez assis au volant d’une voiture de course et en même temps en train de réparer le moteur.

Quelle est la vision de votre entreprise ?
Je suis à cent pour cent convaincu qu'il est préférable de séjourner dans une maison ou un appartement de 50 mètres carré pour 80 euros la nuit que de dépenser 120 euros pour une chambre d'hôtel de 15 mètres carré. Notre vision est qu’à l’avenir les voyageurs opteront pour ce type de réservation. Ceci est uniquement possible si la réservation d’appartements et de maisons est aussi simple qu’une réservation d’hôtel.

Quelles sont les réactions des hôteliers par rapport à la concurrence de HouseTrip ?
Tant que HouseTrip existe, je n’ai pas besoin d’une chambre d’hôtel. Je reçois  beaucoup de messages d’hôteliers et pas tous sur un ton amical. Le lobby des hôteliers est extrêmement fort et lutte pour conserver les parts de marché. La plupart des gens ne me considère pas comme un "gâche-métier". J’ai même été invité à une importante conférence à Berlin en mars dernier pour parler de HouseTrip devant des milliers d’hôteliers. 

Vous avez créé la société avec votre femme. Comment l’avez-vous géré dans votre vie privée ?
 
Au début, nous ne sortions presque jamais, nous mangions régulièrement des spaghettis au pesto. Il est clair que notre vie est entièrement investie dans HouseTrip. Nous y pensons toujours, nous sommes le cœur de la société, donc notre vie est dictée par elle. Nous avons dû mettre en place quelques règles. Le samedi, par exemple, nous ne travaillons pas, nous ne parlons pas de HouseTrip, ni ne vérifions nos emails. Les autres six jours sont consacrés par contre à l’entreprise. Pour les jeunes entrepreneurs, il est difficile de se distancer émotionnellement de leur projet, mais il est important d’y parvenir.
 
Allez-vous vendre votre entreprise à 1 milliard ou est-ce l’aventure de votre vie ?
Nous ne sommes pas loin du milliard et nous faisons tout notre possible pour augmenter cette valeur au quotidien. Aucune semaine ne passe sans que je reçoive des offres d’investisseurs, mais il n’y a aucune raison de se précipiter. Nous sommes jeunes et nous avons beaucoup de plaisir au travail. Je ne sais pas si je serais un serial entrepreneur ou si je vais vouloir rester. Je trouve cela plutôt effrayant l'idée de ne plus travailler et d’avoir pour seule occupation de dépenser de l’argent.
 

Que pensez-vous de Airbnb ?
Cela me met tous les jours en colère de voir que Airbnb est toujours à la première place. Nous espérons bien entendu bientôt pouvoir passer devant. En Europe, nous sommes déjà à un niveau comparable. Notre positionnement est différent : Airbnb propose des chambres ou des parties d’appartements ou maisons qui sont habitées. Chez HouseTrip, 90% des biens proposés sont uniquement dédiés à la location.

 

Liens additionnels