Christoph Gebald, CEO de Climeworks: "Notre culture d’entreprise est notre argument clé de vente"

29.10.2014

La spin-off de l’ETH Climeworks a développé une technologie qui permet de filtrer le CO2 dans l’air. Depuis, la première machine à taille réelle est entrée en phase de test, le deuxième round de financement est achevé et Audi a été annoncé en tant que partenaire industriel. Nous avons discuté avec Christoph Gebald, CEO de Climeworks et gagnant de venture kick, du chemin menant du laboratoire au marché, du rôle de directeur et de sa culture d’entreprise.

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Les fondateurs de Climeworks: Jan Wurzbacher et Christoph Gebald.
Christoph, il y a quelques semaines vous avez rendu public votre coopération avec Audi. Comment êtes-vous arrivé à ce partenariat?
Christoph Gebald: nous travaillons en collaboration avec une entreprise de synthèse qui produit de l’essence à partir du CO2; cette entreprise nous a présenté Audi. Depuis, nous sommes en contact et nous avons pu lui présenter notre technologie. De là est né notre partenariat. Audi nous apporte un savoir-faire pour la production industrielle de nos collecteurs de CO2. Par ailleurs, Audi est le premier preneur au monde prêt à intégrer un collecteur de CO2 dans ses installations de fabrication pour produire du carburant automobile synthétique.

Vous avez récemment informé les experts de la révolution de marché prévue concernant les carburants synthétiques, dans le cadre du Swiss Climate & Energy Summit à Berne. Cette nouvelle a fait sensation et a eu un grand écho médiatique. Cette présence médiatique vous aide-t-elle?
Bonne question. Ce que nous faisons est nouveau. Il est très peu probable que quelqu’un dans la rue sache qu’il est possible de filtrer le CO2 dans l’air et que l’on peut le recycler à nouveau en carburant neutre en CO2. La couverture médiatique nous aide à faire connaître notre technologie. Cependant, la contribution des médias seule ne nous a pas encore permis d’enregistrer des effets positifs tels qu’une augmentation des activités de vente. Mais nous avons été publiquement remarqués et qui sait ce qu’il en résultera dans 5 ans.

L’année 2014 a été bonne, mais pas uniquement grâce à votre coopération avec Audi. Vous avez pu achever votre deuxième tour de financement en avril. Comment cela s’est-il déroulé?
Je dirais que cela s’est relativement bien passé et je suis très content. Nos investisseurs existants ont montré un grand sens d’engagement et de confiance, et ils ont pris part au deuxième round en masse. C’est un signe précieux vers l’extérieur, qui simplifie la recherche de nouveaux investisseurs. Mais cela a été dur de trouver les bonnes personnes. Nous nous intéressons principalement aux particuliers qui gèrent leur propre argent, qui partagent notre vision et qui sont prêts à nous soutenir sur le long terme. Un retrait d’argent soudain nous serait fatal. Il faut plutôt compter sur l’an 2020 comme horizon d’investissement, et non sur un retour sur investissement pour l’année qui suit.

Vous avez parlé d’un horizon temporel sur le long terme. Vous avez commencé en 2009 avec Jan Wurzbacher et depuis vous êtes 14 personnes. Bien que la croissance soit lente, vous êtes le chef d’une équipe et CEO, et vous n’êtes plus seulement occupé avec les détails techniques depuis longtemps. Qu’est-ce que cela signifie pour vous?
Premièrement, cela signifie que Jan et moi pouvons vivre notre rêve. Depuis le premier jour à l’ETH, nous avons rêvé de notre propre entreprise avec un produit pertinent. Deuxièmement, cela signifie qu’en tant qu’ingénieurs, nous nous intéressons à de nouveaux domaines. Parmi ceux-ci, il y a les discours de vente, les négociations de contrats ou bien la gestion, ce qui nous procure cependant moins de plaisir que l’aspect technique. Nous avons néanmoins atteint une envergure qui nous pousse à nous occuper de la structure et des processus d’entreprise, afin de pouvoir grandir sainement. Nous accordons beaucoup d’importance à former notre personnel. Le premier semestre ou l’année entière, nous investissons dans nos nouveaux membres d’équipe, jusqu’à ce qu’ils soient prêts à travailler indépendamment. Ces moments sont intenses et, bien que débordés, lorsque la formation est terminée, nous en ressentons la valeur ajoutée et un effet multiplicatif.

Comment avez-vous avancé dans la mise en place de Climeworks grâce à des thèmes comme la culture ou la philosophie d’entreprise?
Nous nous occupons beaucoup de nos valeurs et de la culture d’entreprise qui en résulte. C’est ce qui nous caractérise. Au cours des 5 années de notre existence, personne n’a démissionné, mis à part un stagiaire qui nous a quittés après un mois pour gagner plus ailleurs (mais je ne l’inclus pas dans le compte). L’aspect amical est important pour nous. J’apprécie les gens avec lesquels je travaille, même personnellement et il arrive parfois nous allions boire un verre le soir. Le fondateur de Zappos, Tony Hsieh, m’a fortement inspiré. Zappos est une startup américaine qui a été achetée par Amazon. Hsieh a écrit le livre «Delivering Happiness» qui traite de la culture dans une entreprise. Il affirme que, premièrement, la culture est aussi importante que la technologie ou que le produit en soi. Si votre culture d’entreprise ne convient pas, vous n’aurez pas de succès. C’est aussi une chance de pouvoir se démarquer de ses concurrents. Deuxièmement, il dit que si votre culture d’entreprise se dégrade, vous ne la récupérerez pas. Une culture d’entreprise ne se développe pas par elle-même, il faut travailler pour l’améliorer. Mais lorsque vous y serez parvenu, alors vous aurez votre argument de vente clé. Notre succès n’est pas uniquement dû à Jan et à moi mais clairement à notre équipe toute entière. Et c’est pour cela aussi que nous investissons beaucoup de temps dans notre culture d’entreprise.

Qu’est-ce que cela signifie concrètement quand tu dis que vous investissez beaucoup de temps dans votre culture? En team events? Ou plus précisément, quelle est l’essence de votre culture?
Oui, bien sûr, les team events en font partie. De temps à autres, nous allons nager, manger ou faire du ski. Mais le quotidien joue un rôle bien plus important. Nous parlons d’égal à égal et prenons en compte les commentaires de nos collègues très au sérieux. Si un collègue rencontre des problèmes, nous le prenons en charge et tentons de réagir au mieux et de façon efficace. Nous voulons donner à nos collègues le sentiment qu’ils sont responsables et pris au sérieux. Nous avons défini des valeurs. Des valeurs selon lesquelles nous vivons, selon lesquelles notre entreprise fonctionne, avec lesquelles tout un chacun peut s’identifier et d’après lesquelles nous nous comportons vis-à-vis des autres. Une valeur importante par exemple est la transparence. Cela veut dire que si quelque chose ne marche pas, il faut en parler tout de suite et non pas attendre 3 mois jusqu’à la prochaine réunion d'équipe. Chez nous, il y a aussi la valeur du «respect par la performance». Une personne qui se prend trop au sérieux serait complètement déplacée chez nous. Nous embauchons selon nos valeurs et nous ferions de même si nous devions nous séparer d’un collaborateur.

Le recrutement est un thème courant dans les start-ups. Comment êtes-vous parvenus à trouver les bonnes personnes?
C’est un énorme thème chez nous aussi. Là derrière se cache une quantité folle de travail. Je crois que nous investissons du temps de façon disproportionnée dans les processus d’entretiens. Nous faisons par définition toujours 2 interviews auxquelles 2 personnes de Climeworks participent. La première discussion sert à faire connaissance, nous cherchons à déceler si le candidat correspond aux valeurs principales, nous testons les soft skills et la communication. Lors de la deuxième discussion, nous posons généralement une situation problématique de notre quotidien, qui doit être résolue de manière abstraite. Il ne s’agit pas de la solution concrète mais du chemin pour y parvenir. C’est là que transparaissent les différentes facettes et c’est de cette façon que nous trouvons les meilleurs. Nous n’avons pas encore trouvé la bonne solution pour les appels d’offre. Nous publions le plus souvent des annonces gratuites ou payantes à l’université, nous activons notre réseau, nous utilisons les réseaux sociaux et le plus souvent nous utilisons jobs.ch. Mais c’est par-dessus tout dans les disciplines techniques comme la technique des processus, que nous avons du mal à trouver des personnes. J’aimerais au besoin examiner l’option de faire appel à un chasseur de têtes.

Vous avez fondé l’entreprise en 2009 et êtes depuis devenu un vieux routinier des start-up. Est-ce qu’il y a un conseil que vous auriez aimé recevoir plus tôt?
(Rires) cela semble bête mais il n’y en a en pas en réalité. Toutes les erreurs que nous avons faites, nous devions les faire. Une de nos valeurs principales, c’est justement de ne pas avoir peur de faire des erreurs et c’est ainsi que nous fonctionnons. Avec le recul, j’aurais peut être aimé rester un peu plus longtemps à l’université et j’aurais participé à venture challenge un an plus tard (rires). Mais comme les moyens financiers nous manquaient à l’université, nous devions sortir du laboratoire. Cela ce serait cependant déroulé de la même manière. Notre technologie était loin d’être prête lorsque nous avons fondé l’entreprise. En effet, nous devions nous préoccuper de l’argent et analyser le marché à une époque où nous voulions seulement faire du développement. Cela a été hautement inefficace. À ce moment-là, vous n’avez pas envie d’aller dans une serre et de leur demander s’ils ont besoin de CO2, mais vous voulez construire vos propres installations. Avec l’expérience acquise aujourd’hui, la création des contrats et les négociations seraient bien plus rapides. Mais je pense que, par définition, une start-up est un processus très itératif et inefficace. Vous devez simplement passer par là. Les gagnants se différencient des perdants seulement par le fait qu’ils n’abandonnent pas, même après la cinquième fois. Une startup est un travail de fourmi.

Au moment où vous auriez préféré être dans le laboratoire et non invité chez des investisseurs, vous avez participé à venture kick. Qu’est-ce que cela vous a apporté?
Oh, cela nous a beaucoup apporté. La citation la plus pertinente est de Jordi Montserrat lui-même: «Our job was to make you believe, that you can do it». J’ai ri quand je l’ai entendue la première fois mais avec le recul, c’est exactement ça que venture kick a fait. Faire des présentations devant des investisseurs en sachant que ceux-ci croient en vous, vous apporte un gain de confiance et vous aide à être encore plus motivé. Venture kick nous a entraînés dans une sorte de spirale positive de motivation. En tant qu’ingénieurs nos talents de prospection n’étaient pas développés mais c’était une bonne opportunité de s’en occuper. En fin de compte, on conçoit un produit pour les clients et non pour soi-même. Nous avons appris chez venture kick que, si vous voulez vendre quelque chose demain, vous avez intérêt à avoir commencé avant-hier à vous préoccuper de l’entrée sur le marché. Cela est particulièrement valable dans notre cas: la mise en place des installations est un travail de longue haleine et cela prend beaucoup de temps de tisser des relations. La deuxième chose que nous avons apprise est que, si vous ne pouvez pas expliquer sur une feuille PP ce que vous faites, alors vous avez un problème. Venture kick nous a aidés à expliquer de façon brève et efficace ce que nous faisons. C’est encore très important pour nous aujourd’hui. Depuis quelques mois, nous avons la chance d’avoir un produit. Ce que nous avons vendu était plus ou moins des mots. Cette formation n’a pas de prix. Nous avons pitché sans répit. Venture kick vous apprend à présenter les choses de façon simple et claire.

A propos de Climeworks
Climeworks, une entreprise spin-off de l’ETH, a développé des collecteurs de CO2. Ces filtres à faible consommation d’énergie nettoient le CO2 dans l’air. Cette énergie „renouvelable“ est une excellente matière première pour beaucoup d’applications industrielles, entre autres pour les carburants automobiles comme le diesel, l’essence ou le méthane. Cette technologie fonctionne indépendamment de l’endroit et peut être introduite dans le monde entier. Christoph Gebald, son co-fondateur, a pris part au cours semestriel venture challenge à l’ETH à Zürich en 2008 et il a gagné un an plus tard 130'000 CHF à venture kick. Climeworks est arrivé septième dans la sélection des 100 meilleures start-ups suisses en 2014.

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