Attolight regarde vers l'Asie

03.04.2013

Interview avec Samuel Sonderegger, CEO d’Attolight- Attolight -la spin-off de l’EPFL à l’origine de la première « nano caméra» ou « caméra de l’infiniment petit » permettant de filmer en continue les courants électriques à des fins de contrôles de qualité des puces, des LED et de cellules photovoltaïques- a récemment annoncé la livraison de sa première machine en Asie. L’entreprise, co-créé en 2008 par l’ancien venture leaders Samuel Sonderegger n’a cessé de grandir depuis.

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Samuel Sonderegger, CEO d'Attolight
Après avoir levé ses premiers fonds auprès de divers partenaires publics et privés -dont le consortium venture kick- en 2008, la start-up lausannoise a récolté en 2012 plus de CHF 1,5 million à l’occasion d’un second tour de table. La start-up franchit aujourd’hui une nouvelle étape avec la mise en place d’un plan de développement stratégique  en Asie. C’est l’Université des technologies de Nanyang à Singapour qui a bénéficié du premier exemplaire de la nano caméra à être monté sur le sol asiatique. La semaine dernière, Attolight a par ailleurs annoncé avoir conclu un partenariat avec l’entreprise Gaïa science, ce qui lui permettra d’accéder à un large réseau de distribution à travers différents pays asiatiques. Des contrats avec des firmes japonaises sont également à l’étude.
Nous avons posés quelques questions à Samuel Sonderegger, CEO d’Attolight et ancien venture leader en 2007 :

Bonjour Samuel, pouvez-vous décrire votre produit de manière à ce qu’un non spécialiste puisse en comprendre le principe et l’utilité ?

C’est la première question que l’on me pose souvent et sans doute celle à laquelle j’ai le plus de mal à trouver une réponse car notre machine s’adresse fondamentalement à un  public de spécialistes. Si je devais malgré tout tenter de faire comprendre notre produit à des non spécialistes, je dirais que nous fabriquons un équipement de test pour l’industrie des semi-conducteurs qui mesure et permet d’observer en direct le déplacement de courants électriques à l’échelle nanoscopique sur de très petites structures. Ceci permet de comprendre leur fonctionnement et de remédier à leurs défauts. Nous testons par exemple des structures de base comme les LED qui illuminent les écrans des Smartphones. Autre exemple : notre technologie permet de détecter très précisément d’éventuels défauts dans certains matériaux utilisés pour construire des cellules solaires.

Quelles ont été les grandes étapes -notamment financières- qui ont jalonné le développement d’Attolight ?

La société a été créée en 2008 même si mon partenaire Jean Berney et moi-même avions commencé à travailler sur le concept d’Attolight dès 2007. De 2007 à 2010, nous sommes parvenus à nous financer grâce à des prix - nous avons notamment été récompensé par un prix venture kick - et grâce  à des partenariats avec des instituts universitaires et des instituts public comme la CTI. Etant alors en phase précompétitives et n’ayant pas encore de produit physique à proposer aux investisseurs, nous avons pu profiter au maximum des échanges d’informations avec des structures non commerciales. En 2010, nous avons clôturé un premier tour de financement de CHF 800’000 auprès de business angels comme le StartAngels network et VerveCapital Partners de la plateforme investiere.ch. Dès lors, nous avons pu développer notre produit et nous lancer dans la phase de commercialisation. Après notre première livraison en 2012, nous avons effectué un second tour de financement auprès des mêmes investisseurs et de banques cantonales pour une valeur de CHF 1,5 million. Parallèlement, entre 2008 et 2012, nous avons reçu environ CHF 1 million de fonds publics ou non dilutifs. En 2012, nous avons connu notre première année bénéficiaire. Ce temps de latence de 4 ans était prévu puisque nous avons dû développer un produit industriel complexe à partir de rien. Aujourd’hui nous avons un produit que nous pouvons vendre tel quel même si nous continuons de le faire évoluer. Nous ne prévoyons pas de prochaine levée de fond et pourront désormais nous financer uniquement grâce aux banques lorsque nous recevrons nos prochaines commandes. Nous sommes réellement en train de transitionner vers l’indépendance financière.         A ce jour nous avons deux pendants à notre business model : la vente de machines, bien sûr, mais également les services de "testing" qui amènent les clients à venir nous voir dans notre laboratoire de Lausanne et à nous payer pour tester leurs composants.

Pouvez-vous nous parler de votre stratégie de développement en Asie?

Le choix d’Attolight de se tourner vers l’Asie s’explique par deux raisons majeures : l’Asie -notamment la Chine et les Philippines- est le principal producteur mondial de semi-conducteurs. Les appareils de type puces LED et cellules photovoltaïques y sont fabriqués à 60% contre 30% pour les Etats-Unis et 10% pour l’Europe. Il y a donc un réel besoin pour des appareils comme le nôtre qui permettent de contrôler la qualité de ces produits. La seconde raison est que notre produit est extrêmement utilisé en recherche et développement pour développer des nouveaux matériaux. L’Europe et les Etats-Unis restent très forts dans le domaine mais aujourd’hui des investissements massifs se font en Asie pour développer des matériaux comme le nôtre pour des applications de recherche et développement. Pour ce qui est de notre stratégie de déploiement, nous avons opéré avec prudence car nous connaissions mal le marché et ne souhaitions pas commettre d’erreur. Nous avons commencé par construire un réseau de représentants, ce qui a pris pas mal de temps -et n’est d’ailleurs toujours pas terminé. Nous avons un partenaire en Chine, un autre pour l’ensemble de l’Asie du sud-ouest et sommes en train de négocier un contrat avec une entreprise Japonaise mais nous n’avons encore personne en Corée ni à Taiwan. Ce processus nous a pris énormément de temps. Particulièrement en Chine où il convient de choisir ses partenaires avec prudence car beaucoup d’entreprises prétendent pouvoir faire ce travail de représentation alors même qu’elles n’ont aucune idée de ce que vous faites. Nous avons donc dû passer beaucoup de temps en Chine pour discuter avec les clients et recouper les informations avant de trouver un partenaire solide. Nous venons d’installer une première machine à l’université de Nanyang à Singapour. Nous avons établi une collaboration avec eux ce qui nous permet d’avoir un site de démonstration pour nos clients. Les prochaines étapes seront d’installer une machine en Chine et au Japon.

Quel rôle le programme venture leaders a-t-il joué dans votre parcours entrepreneurial et dans le développement d’Attolight?

Les venture leaders est un programme d’excellent niveau et de très bonne qualité. Alors même qu’en 2007, nous étions loin d’avoir un produit fini, j’ai pu établir des contacts extrêmement précieux dans la région de Boston qui sont en train de révéler leurs pleins bénéfices pour Attolight seulement aujourd’hui, 4 ou 5 années plus tard. Si je repense à notre groupe, je ne peux que recommander au venture leaders actuels et futurs de se rendre aux Etats-Unis avec des demandes très concrètes : il s’agit de s’adresser aux contacts qui vous sont présentés en formulant une demande très claire quant à ce qu'on attend: des investissements? des partenaires? des clients?

Compte tenu de votre expérience avec Attolight, quelle est selon vous la carte à jouer des start-up high tech suisses pour réussir sur le marché asiatique?

Ce qui a été clé pour nous, cela a été de pouvoir montrer au client que nous lui proposions un produit unique capable de lui livrer des informations à forte valeur ajoutée qu’il ne pouvait pas obtenir ailleurs. Cette notion d’exclusivité est d’autant plus importante qu’il s’agit pour le client d’aller chercher un produit à l’autre bout du monde. La vente que nous avons réalisée à Singapour récemment s’est faîte car notre produit était nettement supérieur en termes de précision et de qualité des mesures. Il s’agit d’être les meilleurs. Le passeport vers l’Asie pour les start-up suisses réside vraiment dans l’innovation et l’excellence.

http://www.attolight.com/

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